IESF enseignements scientifiques

Comment rendre attractifs l’enseignement des mathématiques, des sciences et de la technologie, ainsi que les métiers correspondants ?

La place des mathématiques dans nos sociétés :

  • la majorité des disciplines (physique, informatique, chimie, économie, sciences de la vie, linguistique, gestion et finance…) font une utilisation souvent intensive des outils issus des mathématiques. On peut se contenter de les utiliser sans en comprendre les fondements, mais il est nécessaire d’en comprendre l’origine et les bases pour éviter les mauvaises utilisations.
  • la technologie (nom que prend la science quand elle s’intéresse aux artefacts de l’humanité) et la technique (ensemble des savoir-faire accumulés par l’humanité pour agir sur les objets et la nature) font également un usage parfois intensif des outils et concepts mathématiques : simulation des comportements des objets, systèmes et procédés, calculs géométriques et géométrie dans l’espace, formules représentant des comportements variés, statistiques …

Mais au-delà des outils opérationnels élaborés par les mathématiciens, la démarche mathématique elle-même est utile si ce n’est nécessaire pour former un esprit structuré, critique, créatif et inventif.

  • il faut distinguer la compréhension profonde de concepts de l’apprentissage d’outils opérationnels produits par les mathématiques, apprentissage qui constitue la majeure partie des programmes français de mathématique. La compréhension des concepts prend du temps et demande une présentation multiforme adaptée à chacun. Les programmes trop lourds empêchent de consacrer du temps à cette phase cruciale de l’apprentissage des mathématiques.
  • il faut se familiariser avec la démarche de justification solide d’une assertion : définitions claires, axiomes, hypothèse, démonstration déductive (logique de raisonnement), preuve indiscutable et théorème. Cette démarche est une arme efficace, et peut-être la seule, contre les croyances non prouvées présentées comme des vérités indiscutables et les fake news.
  • il faut entraîner l’élève à la construction, la manipulation, la comparaison et l’échange de schémas mentaux qui conduisent à la compréhension profonde de concepts variés dans de nombreux domaines, scientifiques ou non, ainsi qu’à la confiance en soi, à la créativité et à l’innovation.

Ces démarches s’appliquent ensuite à beaucoup de domaines

La familiarité avec le raisonnement mathématique ouvre la porte à la controverse constructive qui permet de confronter des hypothèses, avis, arguments sans heurts et sans attacher son ego à un point de vue particulier, ce qui rend ensuite l’évolution de ses propres convictions très difficile.
La familiarité avec des controverses constructives devrait débuter très tôt autour de sujets adaptés à l’âge de l’apprenant. Dans les milieux cultivés, disponibles et ouverts, cette étape est souvent franchie implicitement en famille, ce qui crée ensuite des disparités énormes entre les élèves dans les écoles.

Remarques sur l’enseignement des mathématiques en France :

  • La formation devrait en priorité nous aider à découvrir le plaisir de découvrir les mathématiques, et nous convaincre que notre cerveau a du potentiel dans ce domaine, et pas l’inverse, ce qui est malheureusement trop souvent le cas. Il faut lutter contre l’idée que certains sont doués pour les maths et d’autres pas : il y a seulement des jeunes à qui on a donné le goût de réfléchir, de se poser des questions et de trouver du plaisir dans l’effort intellectuel, et des jeunes qui n’ont pas eu cette chance ; et ceux que l’on a accompagnés positivement ou négativement par des commentaires dévalorisants ou des notes frustrantes.
  • Le professeur de mathématique devrait faire partager ses schémas mentaux, comme un accompagnant dans l’aventure de la découverte des maths, plutôt que comme un censeur, ce qu’il est trop souvent. Les notes brutales ont un effet dévastateur : elles vous convainquent que les mathématiques ne sont pas faites pour vous alors que l’objectif est de vous convaincre que vous pouvez comprendre et aimer les mathématiques. La note basée sur le seul résultat ignore que la démarche compte plus que le résultat final. Les grands mathématiciens comme Grothendick soulignent qu’ils ont très longtemps fait beaucoup d’erreurs avant d’arriver à un résultat correct. C’est l’erreur qui est génératrice d’avancées et d’innovations. Mais c’est plus difficile de noter la démarche ou le schéma mental d’un élève que le résultat final. Les pays qui notent peu et de manière positive ont de meilleurs résultats. Motive-t-on vraiment les élèves en leur donnant de très mauvaises notes comme c’est la tradition dans les classes préparatoires ?
  • Le niveau de rémunération, les contraintes diverses, et le manque de considération de la société ont diminué fortement l’attractivité du métier d’enseignant et finalement le niveau des enseignants. Et leur formation en pédagogie des maths est très limitée. L’enseignant de mathématique devrait accompagner l’apprenant dans sa démarche de construction de schémas mentaux, comme un bon professeur de dessin qui ne dit pas ce que l’on doit faire précisément, mais commente, oriente, encourage et félicite.
  • les mathématiques ont longtemps été, et sont encore, un outil de sélection des futures élites de la nation. Quelle mère ne rêve pas de voir son fils ingénieur ou polytechnicien, trader ou prix Nobel ? Mais l’obstacle est le niveau en mathématiques, dont beaucoup pensent dans les milieux défavorisés qu’il est l’apanage des milieux favorisés par la culture et/ou par l’argent.
  • on doit distinguer les outils mathématiques utiles dans la majorité des activités humaines, de la démarche mathématique nécessaire pour former des cerveaux organisés, critiques, créatifs et capables de résister aux fausses vérités qui dominent Internet. Les deux sont utiles mais ne doivent pas être confondus.
  • les cerveaux n’étant pas identiques, il importe de présenter les concepts mathématiques sous différentes formes
  • s’approprier certains concepts mathématiques comme le calcul infinitésimal (dérivées, intégrales, équations différentielles) demande du temps : il faut alléger les programmes pour laisser du temps à la compréhension profonde de ce qui est fondamental.Mieux vaut s’être approprié profondément quelques concepts délicats qu’avoir survolé beaucoup de notions : on en tire de la satisfaction et on apprend une démarche qui vous sera utile ensuite pour aborder d’autres sujets.
  • on doit distinguer « avoir appris à utiliser un savoir-faire opérationnel » et « avoir compris profondément un concept » , c’est-à-dire s’être construit un schéma mental correct et convaincant pour nous-même. Et avoir bien compris un concept délicat procure du plaisir. On retient mieux un concept bien assimilé qu’une mécanique opératoire.
  • il faut faire comprendre et apprécier la démarche mathématique : définitions (qu’est-ce qu’un point ?) → axiomes → hypothèse ou conjecture → démonstration (basée sur la logique et les résultats déjà acquis) → validation de l’hypothèse et théorème. Sa rigueur développe l’esprit critique.
  • faisons découvrir à l’apprenant des éléments d’histoire de la construction des mathématiques : une démarche lente, pleine de va-et-vient, d’essais et erreurs, d’aspects humains passionnants.
  • offrons aux élèves et à ceux " qui n’aiment pas les maths " des exemples de résultats mathématiques qui provoquent un choc esthétique (espace de Mandelbrot) , intellectuel (démonstration du principe d’Archimède, démarche de Gauss à 9 ans) ou d’étonnement (le paradoxe de la ficelle autour d’un ballon, la colonne de livres) pour valoriser le plaisir de la découverte
  • beaucoup de personnes qui aiment les maths disent que cela vient d’un professeur qui a provoqué un déclic : comment a-t-il fait ? Est-ce seulement dû à sa personnalité , à sa pédagogie ? Y a-t-il des recettes ?
  • une piste : analyser la démarche des Finlandais qui ont drastiquement diminué les contraintes imposées aux enseignants, en les laissant largement libres de choisir leur pédagogie, en l’adaptant au public, et même à chaque élève ; tout en leur imposant d’échanger périodiquement sur les méthodes et résultats de leur enseignement.

Exemples de résultats mathématiques motivants à travers l’histoire des mathématiques

Animation de la plongée dans l’ensemble fractal de Mandelbrot

Livre blanc de l’IESF

Je pense que pour attirer des jeunes vers le scientifique, il faut échanger avec eux en petits groupes informels, constitués d’élèves volontaires, en complément des amphis traditionnels imposés par la direction.
Ces échanges peuvent se faire en présentiel ou à distance.
Les groupes devraient comprendre à la fois des élèves déjà attirés par le scientifique et des élèves qui ne l’apprécient pas.
Ils permettront de mieux comprendre les causes profondes de la motivation ou du rejet des disciplines scientifiques.
On pourrait montrer des résultats attractifs pour des jeunes, solliciter puis répondre aux questions
Ces jeunes pourraient faire tache d’huile, la participation à un groupe d’échange se poursuivant par un forum spécifique entre jeunes et/ou avec des personnes extérieures au milieu éducatif
La difficulté principale : par quel mécanisme constituer ces groupes ?
On peut commencer par des élèves sollicités par des enseignants que nous connaissons, puis généraliser.

Cette action me semble cohérente avec les objectifs de l’IESF tant local que national, et également avec ceux d’UNIT.

En ce qui me concerne, je suis favorable à toute réflexion sur la place et l’enseignement des mathématiques, qui doit se renouveler et évoluer sans cesse, et rester attractif, ludique, créatif, et surtout être basé sur la compréhension, loin du bourrage de crâne de recettes toutes faites qui peut amener au rejet.

**Toutefois, je ne peux être d’accord avec cette partie du compte rendu que propose Jean **

« … les mathématiques qui occupent une place prépondérante dans l’enseignement et qui ont surtout servi la sélection ne sont peut-être pas les mieux placées pour satisfaire l’immense besoin de créativité, qui passe par la motivation, dont notre pays a besoin. »

Je vous laisse prendre connaissance de cette pétition signées le 30 mars 2022 par des patrons de grandes entreprises françaises, soucieux eux aussi de « réindustrialisation » mais qui n’aboutissent pas aux même conclusions. Il semble d’ailleurs que cet appel ait été entendu par le gouvernement.

Amicalement à tous

Samuel

Appel pour "sauver les maths"

Parce que la puissance industrielle d’un pays ne peut progresser sans compétences scientifiques.

Parce que les mathématiques sont incontournables pour la bonne compréhension de l’économie.

Parce que la transition écologique et digitale réclame davantage d’ingénieurs.

Parce que la réforme du lycée a fait chuter de 18 % les heures de mathématiques enseignées en terminale et en première.

Parce que le nombre de candidats au Bac suivant un enseignement de mathématiques a baissé de 115 000 en trois ans.

Parce que la création de la filière « mathématiques expertes » a renforcé l’élitisme.

Parce que cette filière a encouragé les stéréotypes et réduit de moitié le nombre de filles inscrites à ces formations.

Parce que le vivier des classes préparatoires s’est rétréci.

Nous appuyons la volonté du président de la République de réintroduire les mathématiques dans le tronc commun du lycée

Nous invitons les candidats à l’élection présidentielle à s’engager à développer la place de l’enseignement des mathématiques

dans les cursus primaires, secondaires et supérieurs

Nous recommandons que le monde académique conjugue la formation mathématique, culture de rigueur, avec la nécessaire conversion des entreprises au digital et aux datas

Signataires :

Olivier Andriès Safran , Bernard Arnault LVMH , Jacques Aschenbroich Valeo , Benoit Bazin Saint-Gobain , Jean-Laurent Bonnafé BNP Paribas , Christel Bories Eramet , Thomas Buberl Axa , Patrice Caine Thales , Marie-Ange Debon Keolis , Aiman Ezzat Capgemini , Jean-Louis Girodolle Lazard , Gilles Grapinet Wordline , Catherine Guillouard Groupe RATP , Paul Hermelin Capgemini , Christel Heydemann Orange , Nicolas Hieronimus L’Oréal , Xavier Huillard Vinci , Denis Kessler Scor , Patrick Koller Forvia , Maurice Lévy Publicis , Florent Menegaux Michelin , Sébastien Missoffe Google , Xavier Niel Iliad , Frédéric Oudéa Société générale , Claude Perdriel Challenges , Patrick Pouyanné TotalEnergies , Stéphane Pallez Française des jeux, Alexandre Ricard Pernod Ricard, Stéphane Richard Orange, Sophie Zurquiyah CGG

Ci dessous le commentaire de “challenges” où est parue la pétition :

Cet appel ne devrait que renforcer la prise de conscience du ministère de l’Éducation nationale. Déjà, en décembre, sa Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance alertait le ministre Jean-Michel Blanquer sur les dégâts de la réforme sur l’apprentissage des mathématiques. Mais il a fallu que le président de la République en fasse un thème de son premier déplacement de candidat, à Poissy le 7 mars, pour que son ministre préféré accélère son rétropédalage à grande vitesse : il devenait impératif de « réintroduire les maths dans le tronc commun du lycée ».

Car il y a urgence : le nombre d’heures de maths enseignées en Terminale et en Première a chuté de 18 % en deux ans ; les candidats au bac suivant un enseignement de mathématique ont baissé d’un tiers ; le nombre de filles inscrites à ces formations a été réduit de moitié. Tout cela alors que parallèlement, la France a perdu 17 places en 24 ans aux tests internationaux de compréhension en mathématiques des élèves de 4e, et que les professeurs candidats au Capes de maths sont deux fois moins nombreux en dix ans… Quel gâchis au pays des médaillés Fields !

Tout cela ressemble au paysage calamiteux de notre industrie : les deux sujets sont intimement liés, et c’est pour cela que les grands patrons ont été si nombreux à signer l’appel de Challenges . Mais de même que les nouvelles usines seront construites autour des robots, l’apprentissage des mathématiques au XXIe siècle doit prendre en compte les enjeux du numérique et du traitement de la data. C’est ce que promeut cet enseignant de lycée, étonnant polytechnicien de la Société générale, qui a finalement préféré les salles de classe aux salles de marché, et qui pousse ses élèves de Seconde à apprendre à coder. Chapeau le prof’ !